Article écrit par Flavie Larue, Lucie Arufas et Océane Bailly, étudiantes en DSAA Espace Événementiel et Médiation à l’École Boulle le 10 février 2021
Nous avons réalisé un entretien avec Lydie Boulard, Directrice Artistique pour l’entreprise Venise Événement afin de nous familiariser avec le métier de Directeur Artistique et de développer notre réseau professionnel.
Rencontrée au cours de ses études et séduite par les travaux de Lydie, Flavie nous a permis de créer cet échange avec une professionnelle expérimentée.
Lydie Boulard, qui est ce ?
Lydie est diplômée d’une licence d’Arts-Plastiques mais aussi de l’école des Arts Décoratifs où elle a choisi les options design et communication visuelle. Difficile de se spécialiser et de choisir un seul domaine, lorsque l’on aime toucher à tout et que l’on est un véritable « couteau-suisse ».
Ayant réalisé un mémoire sur les peintures corporelles, Lydie est ensuite devenue maquilleuse et ensemblière pour le cinéma. Or, à ses débuts, le statut d’intermittent du spectacle n’existait pas vraiment, et n’étant pas issue de ce milieu, il était parfois difficile de trouver du travail.
Mais alors, quel est son métier ?
Grâce à une de ses connaissances de l’époque, Lydie Boulard réussi à entrer dans une grande agence d’événement, la plus grande d’Europe : OFFSHORE, qui deviendra ensuite Capital Events. Il s’agissait du début de l’événementiel : un secteur d’activité nouveau, avec beaucoup de moyens, des projets fascinants et pharaoniques !
C’est dans ce milieu que Lydie va s’épanouir, elle devient enfin ce fameux « couteau-suisse » qui lui tenait à cœur.
Entre scénographie, décoration florale, costumes et illustrations : elle trouve de multiples façons de s’exprimer !
Cependant, ce petit nuage s’est dissipé car l’agence a malheureusement fait faillite. Suite à cela, avec deux de ses collègues, ils créent dans les années 2000, l’agence Venise Événement. Leur bagage événementiel permet de faire grandir cette nouvelle agence, aujourd’hui composée de 16 personnes. Il s’agit d’une entreprise multi-secteurs : lancements de produits, remises de prix (notamment pour le Meilleur Ouvrier de France), organisations de séminaires médicaux, salons, créations de stands (pour La Poste par exemple), diners ou voyages de récompenses… En fait Venise Événement fait à peu près tout ce qui est possible… sauf les mariages !
L’événementiel, d’hier à aujourd’hui : comment a-t-il évolué ?
Depuis ses débuts, Lydie a vu le monde de l’événementiel évoluer et changer, elle se décrit comme un « dinosaure ». Selon elle, l’événementiel « pur » tel qu’elle l’a connu, c’est-à-dire avec de la scénographie, de la création d’espace, de la mise en scène… n’existera bientôt plus, et pour cause : l’arrivée de la COVID-19.
Le numérique et le virtuel tendent à se développer de plus en plus et à remplacer les événements.
Ces techniques de substitutions permettent en effet de créer avec un investissement moindre sur le plan physique et matériel. Les événements distanciés réunissent autant de personnes, voire plus, et présentent le même discours. Selon Lydie, les marques se rendent compte qu’elles peuvent rassembler du monde sans avoir à s’occuper de la location d’un lieu, de l’hébergement, de la nourriture, des équipes techniques ou encore des décors. Pour les commanditaires, « événement a distance » signifie coût beaucoup moins élevé.
On remarque que certaines formes traditionnelles d’événements commencent à disparaître. À « l’âge d’or » de l’événementiel, les voyages étaient très en vogue et les lancements de produit à l’autre bout du monde étaient plus que fréquents : découverte d’une crème solaire au Brésil avec une centaine de journalistes, par exemple. Ce type d’expérience devient rare, alors qu’une escapade nous fait bien rêver, surtout avec le contexte présent.
La crise sanitaire actuelle n’est pas de tout repos : au-delà des événements organisés à distance, les budgets dédiés aux projets sont en baisse et pèsent sur les agences d’événementiel. Afin de combler cette carence financière, Venise Événement se doit de trouver de nouveaux clients et de nouveaux projets. En sortant de la crise sanitaire de la COVID-19, les gens auront besoin de se réunir, mais l’événementiel ne ressemblera plus à la manière dont on le concevait, avant. Nous pouvons dire qu’il est en train de vivre un réel tournant depuis sa création.
Bien que ce domaine perdure, Lydie n’y trouve plus son compte : sa fin de carrière dans l’événementiel ne ressemble plus à ses débuts.
Venise Événement, et la compétition ?
Selon Lydie, l’événementiel est très différent des autres domaines de prestations : 3 à 8 agences sont en compétition pour un même projet, quel que soit le budget. Ces agences sont principalement contactées grâce au bouche-à-oreille. Le client commence par un brief sur le produit, sur le concept et sur le storytelling qu’il souhaite. Les agences conçoivent ensuite une « recommandation », que l’on peut aussi appeler « phase d’APS » (Avant-Projet Sommaire), avec un dossier d’images de scénographie, 3D ou dessinées, des films, des animations et autres éléments permettant de mieux saisir le projet. Les différents projets sont ensuite présentés physiquement au client. S’il y a beaucoup d’agences sollicitées, une première sélection sera faite puis les projets choisis seront ensuite retravaillés et soumis à nouveau au client pour une ultime décision. Pourtant, ce n’est pas parce qu’une agence a obtenu un premier contrat avec un client qu’elle aura le suivant, contrairement au domaine de la publicité par exemple.
C’est très rare que les agences ne soient pas en rivalité. « Compétition » est le maître-mot de l’événementiel. Une loi oblige, en effet, le service-achat à choisir un projet parmi différentes agences et/ou entreprises mises en compétition. L’objectif ? Donner sa chance à tous.
Bien qu’il arrive de travailler plusieurs années avec une même marque, (CLARINS ou GIVENCHY pour Venise Événement par exemple), un phénomène de lassitude peut s’installer. À force de travailler ensemble, l’agence connaît trop bien son client et « tourne en rond ». Parfois cette fraîcheur vient à manquer, comme disait Lydie « cette trop- connaissance bloque la créativité et se ressent au sein des propositions ». L’agence est donc amenée à perdre certains clients qui s’orientent vers la nouveauté avec d’autres entreprises.
Lydie nous rappelle : « En événementiel rien n’est gagné d’avance !
Les agences sont en remise en question permanente, il faut savoir rebondir et évoluer. Des hauts et des bas, une surcharge ou un « manque » de travail : ces montagnes russes sont parfois épuisantes et font de ce secteur un domaine compliqué mais passionnant. »
Parlons projet, le Sharing Day, c’est quoi ?
Venise Événement a participé à la réalisation de nombreux projets, et nous nous sommes particulièrement intéressées au Sharing Day qui réunit L’Oréal Monde, soit 2000 à 2500 personnes. Cet événement annuel a été remporté plusieurs années consécutives par Venise Événement. Ce rassemblement a lieu à Paris ou dans sa banlieue proche et constitue une première difficulté technique : trouver un espace différent d’une année sur l’autre et qui puisse accueillir beaucoup de monde. Le Sharing Day s’est notamment déroulé à La Grande Halle de la Villette ou à l’EMGP (Entrepôts de Magasins Généraux de Paris) à Aubervilliers. Venise Événement supervisait la journée complète, et était également en charge de la restauration et de l’hébergement pour les invités venant de France et de l’étranger. L’agence de Lydie doit gérer les présentations de chaque intervenant, fabriquer les diaporamas avec l’univers graphique propre à chaque marque, ainsi que la réalisation de films. Cette organisation se prépare en amont, avec 2 à 3 jours de montage et de répétition.
Lors de l’événement, Jean-Paul Agon, le PDG du groupe L’Oréal fait un discours d’ouverture, puis les différentes marques défilent, mettant à l’honneur leurs produits. Le but étant que chaque personne présente dans la salle reparte avec le besoin irrépressible de vendre des produits L’Oréal dans le monde.
En 2020, à cause de la crise sanitaire, le Sharing Day s’est déroulé d’une toute autre manière : avec un contenu plus allégé et une plate-forme semblable à un bâtiment virtuel regroupant les différentes marques. Pour chacune, une personne faisait la présentation des produits, devant un fond vert sur lequel des incrustations de diaporamas ou de vidéos étaient réalisées.
Chez Venise Événement, c’est quoi un projet inhabituel ?
L’organisation des 100 ans du PUC (Paris Université Club) a été un projet plutôt atypique pour Venise Événement. Le PUC est un gymnase dédié à l’athlétisme. Un parcours dans Paris à été mis en place avec de nombreuses animations et le lieu a été complètement réinvesti par l’agence.
Celle-ci avait déjà réalisé des formats événementiels en tout genre : chasse aux œufs géante dans la capitale, parcours initiatiques, escapes-games – qui depuis quelque années sont devenus une grande mode -, et pour toutes sortes de marques : cosmétiques, food, luxe, ou même laboratoires…
Ce secteur est obligé de suivre les modes car les commanditaires essayent eux-mêmes de répondre aux envies de la société et de leurs clients.
Et donc, comment fonctionne l’agence ?
Toutes les agences ne sont pas conçues de la même manière. Par exemple, la première entreprise dans laquelle Lydie a travaillé, Capital Events, intégrait tout : studio vidéo, studio son, atelier de décor, logistique, voyage, etc. Chez Venise Événement, l’intégration complète en interne n’existe pas mais un studio de création à été mis en place. Ce dernier est composé de Lydie, la directrice artistique, et d’une conceptrice-rédactrice. Cette agence regroupe également des chargés de projets s’occupant chacun d’un client et donc d’un événement.
La mission de Lydie est de monter des projets : scénographie, look et graphisme. Elle veille à ce que l’identité visuelle du client soit respectée. Elle créé ses scénographies en les dessinant à la main puis elle les transmet à un Rough Man en free-lance pour les passer en 3D. Des graphistes extérieurs peuvent également être sollicités pour la création de chartes graphiques, de logos et pour des détails tels que la décoration. Des illustrations et des animations sont également ajoutées. Quant à la conceptrice-rédactrice, elle écrit le projet et explique au client son déroulement.
C’est grâce à toute cette équipe que les dossiers se montent.
Une fois qu’un contrat est gagné, le chargé de projet récupère le dossier client et le développe avec différents interlocuteurs : pour la location d’espaces, la création de films, le montage, les répétitions, la création des invitations…
Pourquoi vous vous couchez tard ?
Quand un projet prend fin, il faut gérer ceux qui étaient déjà en cours et les nouvelles opportunités qui s’offrent à l’agence : un quotidien rebondissant ! Ce qui explique les descriptions des posts Instagram de l’agence, « pourquoi on s’est couché tard ces dernières semaines ? », « pourquoi on s’est réveillé tôt aujourd’hui avant même que le jour ne se lève ? » ou encore « pourquoi on se lève chaque jour avec le sourire ? ».
Avec la dynamique de production d’événement citée précédemment, on comprend bien que « la journée type » chez Venise Événement n’existe pas. Les nombreux projets se développent à différentes étapes et en simultané. Cette gestion de projet semble être un véritable jonglage mental et physique ! Les imprévus font partie intégrante de la routine, « l’événementiel c’est l’antithèse du fonctionnariat ! » nous raconte Lydie.
Peu de temps morts et beaucoup de travail, un rythme parfois en contradiction avec une vie de famille, les créatifs sont presque 24/24h sur le pont. Les projets s’enchaînent et se superposent, les journées ne désemplissent pas et heureusement, nous affirme Lydie. « Du travail, il en faut ». L’urgence fait partie du quotidien, rien de tel pour ne pas s’ennuyer !
Et enfin, comment devenir directeur artistique ?
Lydie nous a confié que le poste de directeur artistique en événementiel n’existe pas : la plupart du temps les agences font appel à des prestataires extérieurs, mais personne ne traite vraiment tous les projets à la fois. En revanche, Lydie, oui. Notamment grâce à ses études et sa curiosité, elle se définie un peu comme un « O.V.N.I » de l’événementiel.
« Être Directeur Artistique, c’est avant tout être naturellement curieux, pour être le plus créatif possible personnellement et professionnellement ! »
Il faut devenir une « tête chercheuse », en quête perpétuelle, les yeux grands ouverts, toujours en éveil sur les tendances actuelles, mais également sur les nouvelles techniques et technologies. Il faut s’intéresser à tout : aux formes, aux couleurs, aux innovations et repérer un maximum de choses qui pourront être utiles au fil des projets et de l’expérience. Il faut s’inspirer, se constituer des bibliothèques de références, d’inspirations, d’idées, etc. L’ouverture d’esprit est très importante, il ne faut pas être sectaire ou butter sur les choses, notamment sur les techniques, même celles qui ne semblent pas nous concerner : électricité, plomberie, structures… « Tout est bon à prendre » car il y a toujours quelque chose d’intéressant à exploiter. Faire une scénographie, par exemple, « c’est aussi s’assurer qu’elle tienne debout ». La pratique est essentielle pour gagner en expérience et apprendre. Au quotidien, gribouiller, prendre des notes, dessiner, se cultiver, lire, faire des expositions, etc. est primordial.
Le meilleur conseil que Lydie a donné reste d’être « UN COUTEAU- SUISSE », d’être curieux.se et de s’amuser !
Nous tenons à remercier Lydie pour le temps qu’elle nous a accordé. Par sa sympathie et sa générosité dans cet échange, elle nous a partagé de nombreux conseils.